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le sexe - Page 2

  • Myra Breckinridge a 38 ans

    Il faut attendre un bon moment avant que ne soit vraiment abordé le sujet de Myra Breckinridge: le refus des déterminismes sexuels, la remise en questions des rôles masculins et féminins, joyeusement jetés au feu avec les soutiens gorges, le male chauvinist pig, le drapeau américain et tout le reste. Sur fond de rébellion sixties US: Guerre du Vietnam, Women liberation front, psychédélisme et guitares sèches venant ébranler - ou peut être pas tant que cela- le star system et le californian way of life.

    L'intrigue est secondaire et bancale: Myra Breckinridge,pretendue veuve de Myron Breckinridge vient revendiquer l'héritage de ce dernier: une école de future stars tenue par son oncle Buck. Myra, devenue professeur, inculque à ses élèves des leçons à sa façon.

    Le texte de Gore Vidal(1925- ) était il, déjà en 1968, si baroque et décalé, qu'il n'a pour cette raison pas tant vielli que cela? Sa conclusion grinçante anticipe en tout cas les lendemains amers des utopies fleuries d'alors. 

    Reste une histoire à tiroirs, lesquels s'ouvrent sur quelques scènes audacieuses et surprenantes, dont celle- on avait jamais vu nulle part quoi que ce soit qui se rapproche de ça- du viol littéral d'un bel et jeune étalon à Stenson par l'heroîne, outillée comme il se doit pour cela. Étonnant, et pourtant cohérent avec le propos

    Mais tout est trop lent encore: le temps perdu au départ n'est jamais rattrapé: arrive inévitablement tôt ou tard un moment où tout cela n'en finit plus. Question de rythme que la compagnie - Franchement Tu- n'a pas trouvé. Le phrasé se veut distancié mais ne parvient le plus souvent qu'à sonner scolaire et appliqué, plombé par les hésitations. Les chanteuses et le guitariste paraissent plus à l'aise dans "California Dreaming" qu'en s'attaquant au "The Man I love" de Guerschwin. Les entrées et sorties de scène sont proscrites, pour laisser à vue et exposés des acteurs inactifs et embarrassés.

    Bref un résultat inégal et inabouti. Avec de bonnes idées, dont la projection en fond d'écran de bandes d'actualité sixties et d'un mélo chromo de Douglas Sirk. Contrepoint d'une innocence idéalisée. Avec un Rock Hudson, dont la virilité parait rétrospectivement ambiguë dans ce contexte. Mais le procédé est à double tranchant: le regard s'attarde sur le film, au detriment de ce qui se passe, où de ce qui ne se passe pas devant.

    Mains d'oeuvres hier et aujourd'hui, et encore la semaine prochaine (15/16 septembre.)

    Guy

    P.S.: On a découvert à cette occasion que le roman-culte ?- de Gore Vidal fit l'objet en 1970 d'un film trés improbable, avec Raquel Welch(Myra), John Huston(Uncle Buck), et une Mae Westseptagénaire incarnant Laetitia Van Halen, impresario consommatrice de jeunes talents. Ainsi que John Carradine, Farah Fawcett et Tom Selleck. Les photos évoquent quelque chose comme du Russ Meyer à trés gros budget. Comme quoi, durant les sixties, absolument tout pouvait arriver. Et même à Hollywood.

  • Celles qu'on prend dans ses bras - et les autres

    medium_sp_9977_p.jpgOn écoute Montherlant, et on se sent bientôt plus intelligent. Extrêmement cynique aussi.

    Campés aux trois cotés de ce triangle amoureux: un séducteur vieillissant, une oie blanche sotte et ravissante, une vieille fille sensible et intelligente. Devinez la suite, et laquelle est aimée...

    Aucune banalité pourtant, tant le ton est féroce, le texte dur et brillant. On échappe au genre, comme écrit par un Guitry aigri. Le "dans les bras" qui conclu le titre apparaît comme une pure concession à la censure et aux conventions: lorsque l'on rentre dans le vif du sujet les enjeux sont situés bien plus clairement. De la crudité donc, mais jamais de vulgarité ni de facilités: nous nous situons dans un univers dramatique tout à fait suranné où la subtilité est de mise dans les rapports amoureux, où chasteté et débauche constituent de véritables enjeux, où vaincre sans avoir à combattre ne satisferait pas. On pense beaucoup, on parle, on analyse, on s'interroge longuement sur la nature de l'amour. Et on couche après seulement. Cela prend ainsi toute la pièce, de décider de se laisser prendre, ou pas.

    L'auteur a souvent été qualifié de misogyne, ce qui n'était pas innocent. Mais c'est ici plutôt de misanthropie dont il s'agit. On sera juste moitié aussi cruel que lui: Coralie Bonnemaiso, qui incarne la malheureuse confidente, domine de très haut ses deux partenaires-pourtant loin d'être mauvais. Et l'on tombe tant sous son charme, que l'on s'étonne en fin de compte que dans la pièce son personnage soit délaissé.

    Étrange, involontaire renversement. C'est très injuste, comme tout le reste également.  

    C'est toujours au TNO, évidemment.

  • Fragments de seduction

    medium_Pschutt-2.jpgOn continuait cette fin d'aprés midi à Gare au théâtre, avec "PSCHUTT ! CA COMMENCE !" par la compagnie Desidela.

    Une parenthèse néo-classique, peut-être bienvenue, entre deux propositions plus audacieuses. Avec une danse en quintet, qui évitait tout dérapage, autour du thème périlleux de la séduction. Sur une ambiance musicale de clavecin baroque troublée de discrets appartés technos. A part cette dernière liberté, et contrairement au programme, rien de contemporain là dedans.

    Ce libertinage façon XVIII° revisité restait très sage d'apparence, et très habillé. Pour que s'en medium_Desidela4.jpgdégage un érotisme d'autant plus efficace, plus en frôlements et en regards intenses qu'en étreintes franches. Difficille de ne pas se laisser gagner par une euphorie légère jusqu'à en ressortir en souriant.

    Pour que le sourire se fige bientôt, tant on est plongé, avec Robert Guiscard- Fragment d'une tragédie, dans la perplexité. Une pièce d'Heinrich von Kleist,tout à fait incompréhensible, et qui plus est inachevée. Et située à Constantinople.

    C'est sans doute pour cette raison que la compagnie T.O.C.entreprend de s'expliquer la pièce devant nous tout en la jouant par morceaux. Nous voilà plongé à nouveau dans l'expérimentation, avec ce procédé du commentaire décalé qui doit être trés tendance-  on nous a déja fait le coup avec Europe et Médée.

    Pourquoi pas, mais à la longue, c'est un petit peu inquiétant: est-on devenu si inculte et obtus, que l'on se sente obligé de nous faire l'explication de texte à chaque fois? Mais la troupe affecte d'éprouver autant de difficultés que nous-même à comprendre les intentions d'Heinrich von Kleist (1777-1811), nous ne pouvons nous empêcher de nous sentir malgré nous un peu solidaires.

    medium_152500230_8f9ec30eb0.2.jpgSi l'espace est bien délimité- une table en avant scène pour le débat, et le jeu dans un décor au fond- les repères sont vite brouillés. Tout le plaisir viendra des aller retours et des ambiguïtés entre ces deux niveaux du spectacle, au sujet d'un Guiscard dont on parle beaucoup mais qu'evidemment on ne voit pas. Encore qu'à la fin... Mais allez y vous verrez bien.

    La soirée continuait avec Le Projet Babel d'Habaquq & Cie .Cycle engagé de 12 pièces pour évoquer les conflits qui déchirent l'humanité. Bon courage, c'est un vaste programme. On avait les avait vu jouer Jeanne d'Arc au TNO, puis déja 2 morceaux de Babel au même endroit.

    Mais on en avait pas parlé. Ni du premier ni du second. On n'avait pas parlé du premier extrait parce qu'on ne l'avait pas aimé. On avait pas parlé du second non plus- "Liberté pour Grosny"- parce que, pour des raisons précises, on avait été agréablement surpris. Et sans cet effet de surprise, on aurait alors beaucoup moins aimé.

    Donc on continuera à ne pas en parler.

    Et tout ça continue jusqu'à dimanche

    Guy

  • Jehanne, Une Fille en Prison: la Chair, le Sang et l'Esprit- beaucoup de verbe aussi

    On est retourné voir Jeanne d'Arc.

    Après déjà deux belles pièces, on n'allait tout de même pas lâchement l'abandonner. Jeanne est toujours en prison, et même plus que jamais. Cette fois ci les nuits, seule avec ses gardiens. Va-t-on assister à l'envers du procès?

    Non, car les gardiens bien sûr n'ont rien à dire, hormis ce que leur inspire de plus évident leur promiscuité avec la pucelle. Comme cela ne prend pas 2 heures à expliquer, ils se mettent donc bientôt à parler, entre deux visites aux latrines, comme parlent les juges et les théologiens. Et Jeanne leur répond. Admettons.

    Résultat: tout en brutalisant Jeanne, on refait le procès. Sur un texte contemporain, défendu par la troupe (Habaquq)avec fougue et conviction. De la Chair et du Sang, il est beaucoup question. De l'Esprit également, avec des préoccupations évidemment contemporaines, telles les droits de Jeanne en tant que "chrétienne et citoyenne". On concédera que l'anachronisme, disons la relecture du sujet, est un exercice imposé. Encore que cela sonne plus étrangement que d'entendre par exemple un texte du début XX° plaqué sur ce contexte moyenâgeux. Ce texte là nous réserve de belles envolées, peut être est-ce la fraîcheur de l'actrice qui nous convainc. Mais des lourdeurs aussi, on se surprend parfois même à regretter Thierry Maulnier.

    Le nouveau théâtre chrétien, qu'on se le dise, n'a pas peur des mots crus et des situations scabreuses. Surement pour ne pas paraître en reste par rapport au théâtre contemporain. Ou pour nous rappeler que l'esprit n'est rien sans la chair, et que c'est de la chair maltraitée dont on parle ici. Mais rien de nouveau sous le soleil: souvenons nous des peintures renaissance qui détaillent avec complaisance le martyre de Sainte Agathe dénudée.

    Et tout cela est très violent, plus violent même que "Jeanne et les juges"de Maulnier. Et à la différence de la "Jeanne"chantée de Jeener, définitivement pas pour les enfants. Les insultes fusent, les coups volent au son des ricanements. Oppressés avec Jeanne par cette atmosphère de virilité menaçante, on respire un peu lors de la visite de la duchesse anglaise. Une brise de féminité, la pièce y retrouve un nouvel intérêt. Mais la duchesse repart, nous restons avec les gardiens. Entrainés dans la surenchère, jusqu'à la fin nous abîmer tous ensemble dans le grotesque absolu: l'homme au masque de fer et au sexe d'acier s'est trompé de siècle et de pièce. Soyons bienveillants, oublions. Sans avoir compris pourquoi et comment Jeanne reprit l'habit d'homme après l'abjuration.

    Le nouveau théâtre chrétien a encore du chemin à faire. Tant mieux, car ils y croient, ils sont jeunes et ont tout le temps du monde, ils sont beaux, et on les applaudit à la fin.

    Cela se joue encore un peu jusqu'à mi-juin, au Theatre du nord ouest,c'est un festival, on vous l'a déja dit.

    Guy

  • Quand le texte est parti, reste Gabegie

    L'accroche de Gabegie(7° édition) etait prometteuse: "3 jours d'écriture, 4 jours de répétitions, une représentation unique". 

    Un petit reve de liberté, tant mieux.
    Pari gagné? Oui, du moins s'il fallait démontrer, que même-surtout- quand il ne reste presque rien de préparé, le spectacle est toujours vivant.

    Et pourtant... le texte enfonce les portes ouvertes en enfilades à coup de lieux communs. Avec l'obsession évidente de bien montrer qu'on est dans le camps des gentils, tout en s'accordant le droit d'être un peu méchant. L'éclairage est basique, les déplacements quasi-inexistants, la direction d'acteurs minimale et chacun(e) sur scène en profite pour un peu nous jouer son fantasme préféré.

    Mais on connaissait la règle du jeu, le résultat est gore et très déluré, réjouissant pour les yeux, d'un mauvais goût assumé. Sous le ketchup, affleure un peu d'originalité et des souvenirs de Shakespeare surgissent au gré des répliques. On leur pardonne de brocarder Villepin-bien trop évident!- puisque, faute de poulet cru à se mettre sous la dent, ils dévorent le 1er ministre à la fin. C'est déjà plus inattendu.

    Bref, il vaut toujours mieux une improvisation baclée, qu'une piece d'Eric Emmanuel Schmidt proprement répétée. De plus la troupe s'est baptisée heautontimoroumenos, cela vaut bien un bonus.

    Et avec un texte, un vrai, qu'est ce que cela peut donner? On les avait déjà vu s'attaquer à Lautreamont. A la gorge, férocement, et on avait aimé. Le 19 juin prochain au même endroit, ils récidivent avec Copi. Trés intriguant, ils ne jouent pas "Eva Peron" ou "Loretta Strong" comme tout le monde. Mais "La Nuit de Madame Lucienne"(?). Bon, on verra....

  • Suisse Panique, Suisse Beauté - Claudia Gradinger

    Il se passe souvent quelque chose au Centre Culturel Suisse.

    Surtout quand Claudia Gradinger y vient danser.

    La représentation se fait attendre, on y est certes habitué, dans ce lieu d'arts où le lieu de spectacle est caché. Mais ce soir des anomalies s'insinuent aux frontières de notre champ visuel. Ubik ? Toutes les spectatrices ne sont pas telles qu'elles semblent être. Brusque confirmation de ce soupçon, mais d'autres réponses ne seront jamais données: ce qui est dans la tête reste caché.

    Il est un temps rassurant de rentrer dans la salle, mais ensuite tout semble devoir encore se dérégler. Sons volontairement mal maîtrisés, corps décalés, les mamies investissent la scène, considérations sur l'âge des articulations, démonstrations et contrebasse maltraitée, apparaît une femme à l'oeil noir, jeune mais dans une robe démodée, les mamies se déchaînent et nous-même ne savons plus sur quel pied danser. Échanges de rôles, des territoires troublants et ruinés surgissent sur l'écran en fond de scène, qui se lève ensuite pour laisser place à un corps dérangeant et allongé.

    Après: peinture et verbe, la progression du discours échappe à toute rationalité. Mais-changement de direction- la suite se joue dans le registre de la beauté. Car hélas Claudia Gradinger est terriblement belle. Final dans la séduction, la sauvagerie, la virtuosité, et dans le classicisme même.

    Est ce dommage? Était-ce obligé ?

    Réponses plus tard peut-être.

  • Formes courtes et Court de forme

    Ne le répétez pas, mais nous avons fait l'ecole buissonnière: nous avons séché le Théâtre de la Ville, pour nous infiltrer à l'Etoile du Nord

    Nous resistons à la tentation perverse mais hélas ordinaire de chroniquer le spectacle que nous n'avons pas vu et dirons plutôt quelques mots de A Court de Forme.  

    Le format: levé de rideau + cinq formes courtes + intermèdes chantés. L'idée est séduisante, mais comme peut-être toute les fausses bonnes idées.

    Car à tout vouloir dire en vingt minutes.... On crée de brillants exercices de style dans des genres imposés: démonstrations de multimédia, d'érotisme, le théâtre politique, etc.... 

    Avec trop d'idées, trop d'effets, trop de jeux de scène, trop de lumières, trop de virtuosité, trop de costumes et trop de nus, trop de talent même, trop de tout. 

    Tout cela s'accumule et s'annule. Au détriment des textes, dont il ne reste pas grand chose aprés ce traitement sur-vitaminé.

    Ou alors le choix des textes eux-même était aventureux: "La Mort" de G. Bataille prend des accents de roman porno d'avant guerre vendu sous le manteau à des des notaires honteux. Dans le registre de la bouffonnerie politique, la "Sainte Famille" d'Heinrich Müller, qu'il est urgent de relire pour s'interroger sur ce qu'il en reste, enfin pour qui aurait le courage de s'y intéresser en 2006. Peut-être tout juste encore Mel Brooks qui pourrait développer avec talent à l'écran le thème des flatulences hitlériennes.

    Illustration des choix malheureux: "l'Espece Humaine" d'Antelme. Notre troupe n'a pas obtenu l'autorisation de jouer le texte, et faute de pouvoir lire a choisi de marmonner bâillon sur la bouche des extraits.  Bon pas de panique, celà ne dure qu'une dizaine de minutes, juste le temps de quelques rires nerveux dans le public, nos amis ont bien saisi qu'ils n'étaient pas subventionnés et où étaient les limites.... Enfin tout cela a nous conduit, et sans s'en douter, à rire en ne l'écoutant pas d'un texte qui parle d'Auschwitz.

    Se détache d'autant du lot un texte remarquable et méconnu: "Monstres philosophiques" de Diogene Laerce. Le sujet est tout dans le titre, c'est surprenant et pour de bon audacieux. hilarant et antique. 

    Et quant aux autres pièces, il y a toujours quelque chose qui surprend et vaut la peine: un coup de projecteur soudain sur un morceau d'anatomie dans l'obscurité (La Mort), un lien particulier avec un public interpellé (No logo), une hystérie brillamment maîtrisée (La Sainte Famille).

    Bref tout ça est passionnant et bancal, il faut absolument y aller, jusqu'au 19 mai. Et retourner les voir, plus tard, dans un contexte plus développé.

    A un soir prochain, enfin peut-être...